Un client potentiel vous appelle et vous demande “Combien demandez-vous pour [votre prestation] ?”.
Il existe deux grandes façons de répondre : en fonction du temps passé (à l’heure ou à la journée) ou pour le projet.
En fonction du service que vous fournissez, de vos compétences, de votre expérience, du type de clientèle, chaque solution a ses avantages et ses inconvénients. Toutefois, nous estimons qu’à long terme, les freelances devraient tarifer au projet pour faire progresser leurs revenus.
Lorsque le TJM est la norme, pas de choix à faire
Évacuons d’abord le cas où le TJM (Taux Journalier Moyen) est la norme : les missions en régie.
Par exemple, lorsque la direction informatique d’un grand groupe a besoin d’un architecte pour mettre en place une nouvelle organisation dans les 6 prochains mois, elle fera appel à un freelance qui facturera à la journée, sur la base du TJM convenu à l’avance.
C’est un peu l’équivalent de la mise à disposition d’un salarié d’ESN, ou d’un intérimaire mais en version freelance.
Rien de mal à cela ! Pour ce type de prestation, le TJM est le standard et nous ne le remettons pas en cause.
Mais intéressons-nous surtout aux situations dans lesquelles vous avez le choix.
Facturer au TJM présente des avantages
Fournir un tarif journalier (ou horaire) présente quelques avantages :
- c’est facile à gérer pour le freelance, qui peut organiser son agenda et projeter ses revenus assez facilement,
- le client peut raisonner comme s’il avait un salarié ou un intérimaire,
- ce tarif protège le freelance de toute dérive du périmètre du projet. Le client paye pour toutes les réunions, les allers et retours inutiles, les retards dans la fourniture de documents nécessaires… Toute journée de travail, productive ou non, est payée.
C’est finalement un mode de fonctionnement plus proche du salariat que de l’entrepreneuriat.
Mais facturer au TJM est parfois une solution bancale
Ce format peut sembler le plus efficace, mais il crée rapidement un manque à gagner.
Facturer au temps, c’est un peu se tirer une balle dans le pied
Beaucoup de freelances connaissent leur rythme et ont établi une routine qui maximise leur productivité. Pas de pause café interminable, pas d’interruptions, pas de réunions sans fin, pas de “je ne suis pas motivé, je m’y mettrai demain”.
Bref, si vous faites en 4 heures ce qui prendrait une journée pour un salarié, est-ce normal que le client ne paye que 4 heures de votre temps ? Si vous arrivez à créer beaucoup de valeur en peu de temps, pourquoi facturer à l’heure !
Cela joue aussi dans les deux sens. En TJM, vous ne débranchez pas totalement du projet une fois que le chronomètre s’arrête. Allez-vous comptabiliser le fait de penser au projet sous la douche ? (comme chacun le sait, c’est là qu’émergent les meilleures idées)...
Facturer au temps peut créer des conflits avec le client
Parfois, un client au budget serré peut vous demander de terminer un projet plus rapidement que prévu.
Dans d’autres cas, un client peut avoir l’impression que vous traînez délibérément, comme un taxi qui lui fait visiter tous les quartiers de la ville.
Lorsque vous êtes dans une telle situation, vous subissez une pression désagréable qui peut perturber la qualité de la prestation (et donc la satisfaction du client, et par conséquent votre crédibilité). Sur le coup, vous pouvez regretter d’avoir intégré une notion de temps dans la facturation… C’est généralement à ce stade que beaucoup de freelances songent à basculer en mode “forfait”.
Facturer au temps, vous place dans une logique de quasi-salariat
Enfin, et c’est le point le plus important : vous aurez du mal à scaler, c’est-à-dire faire progresser vos revenus.
Une journée au TJM, c’est combien d’heures au juste ? 7 ? 8 ? 10 ?
En réalité, le simple fait de poser la question révèle le souci. Cela ne devrait pas vous concerner. En tant que travailleur indépendant, vous êtes une entreprise qui a des clients. Il n’y a pas de relation de subordination.
En pensant en nombre d’heures, vous cherchez à répliquer un salaire tout en étant freelance. Cela peut être rassurant au début. Mais pour multiplier vos revenus plutôt que de simplement chercher à remplir votre agenda, vous aurez à penser comme une entreprise : vendre des produits et services plutôt que votre temps.
La tarification au projet : pourquoi elle est intéressante
La tarification projet part du besoin client et non du besoin du freelance
Pensez au client en premier. Que veut-il ? Une nouvelle charte graphique. Un entretien de chaudière. Une pelouse tondue. Un tatouage.
Le client n’a que faire de vos calculs personnels de “TJM-équivalent-salaire-de-freelance”.
D’ailleurs, même si vous lui annoncez un tarif par jour ou par heure, sa prochaine question sera “Combien de temps cela vous prendra ?” : il veut savoir combien il payera (et c’est normal).
C’est d’ailleurs une des raisons du succès des VTC vis-à-vis des taxis : le client sait à l’avance combien il paye.
Vous gérez le projet comme vous voulez
En proposant un montant en euros pour un projet, vous pouvez prendre davantage de libertés dans la réalisation : vous former sur une nouvelle technologie, explorer des pistes qui ne seront pas forcément utilisées, mais qui pourront être utiles pour un autre client...
Bref, la réalisation du projet ne regarde que vous.
Cela peut avoir un côté rassurant, y compris pour les débutants qui passent beaucoup de temps sur des choses parfois simples, et qui auraient des réticences à facturer ce temps. C’est aussi réconfortant pour les personnes qui aiment explorer de multiples directions à la fois (la fameuse “sérendipité”).
C’est donc plus de liberté… Mais attention à livrer en temps et en heure !
Vous serez incité à rechercher des gains de productivité
Lorsque vous vendez votre temps, vous avez peu d'incitations à rechercher des améliorations dans vos processus. À l’opposé, lorsque vous travaillez au forfait, vous profitez à 100% de toute amélioration de la productivité.
Vous êtes donc encouragé à optimiser vos processus, automatiser, déléguer à d'autres freelances, investir dans la formation et la R&D pour une efficacité accrue… À l’ère de l’IA, il serait dommage de se priver !
Vous êtes concentré sur trois variables :
- la valeur créée pour le client
- le tarif payé par le client (votre chiffre d’affaires)
- le coût total de la prestation (votre rémunération + les coûts annexes : délégation, outils…)
Votre métier est de vous assurer que 1 > 2 > 3.
Vous penserez alors comme un véritable chef d'entreprise, sans limite de rémunération par le TJM ou le nombre de jours travaillés. Et c’est ainsi que vous pourrez faire exploser vos revenus !
Facturer au projet : attention aux pièges
Facturer au projet est idéal pour les freelances qui ont atteint une certaine maturité dans leur métier, mais il faut prendre garde. Vous avez un devoir de résultats et non de moyens. C’est plus sécurisant pour le client, mais plus responsabilisant et plus risqué pour vous.
Ce facteur “risque” ne dépend pas que de votre savoir-faire ! Vous devez vous assurer de l’implication du client (vous fournir les informations nécessaires en tant voulu, par exemple) et du respect des délais de son côté.
En outre, vous devez avoir établi un contrat assez clair sur le périmètre du projet, et assez de poids dans la relation pour pouvoir réévaluer le tarif en concertation avec le client en cas de besoin, avant que le projet ne devienne hors de contrôle.
Enfin, n’oubliez pas, si le projet est long, de prévoir des étapes intermédiaires de règlement. Contrairement à la régie, vous n’êtes pas payé chaque mois !